Rendez-vous à l'aéroport Lyon-St Exupéry à 14h; en
retard d'un 1/4 d'heure, je suis le dernier, l'animatrice,
Catie, n'a aucune peine à me repérer. Nous embarquons
comme prévu sur un boeing de Turkish Air Lines. J'ai un hublot
dont je ne profiterai pas beaucoup à cause des nuages. Vol
sans histoire, jusqu'à Istanbul, où nous rejoignent 5
participants venus directement de Paris. L'ambiance se ressent
un peu de l'attaque commise le matin même par l'aviation
israélienne contre des camps palestiniens dans le sud de la
Syrie, mais se traduit uniquement par le désir de certains
participants, ou d'autres voyageurs du même vol, de rassurer les
familles. D'Istanbul, nous repartons pour Damas où nous
attendent notre guide Mansour, et notre chauffeur Tony.
Comme prévu, il n'est pas loin de 1h du matin, lorsqu'après
avoir changé une partie de nos devises, et parcouru une
vingtaine de kilomètres , nous arrivons à l'hôtel Afamia
dans le centre moderne de Damas.
Pour une raison que je n'ai pas bien
comprise, il se trouve, que nous sommes 15 participants plus
l'animatrice, donc 16, qu'il n'y a, et qu'il n'y aura durant
tout le voyage, que 8 chambres réservées, que si les
participantes non en couple sont en nombre pair, je suis le seul
homme seul; conclusion l'animatrice propose que nous partagions
la même chambre, ce qui paraît logique et tout à fait
acceptable à priori. J'apprendrai par la suite qu'une ou
plusieurs personnes ont fait remarquer à Catie que cette
situation pouvait être gênante pour moi: j'avoue ne pas avoir
cherché à savoir qui faisait preuve d'autant de
sollicitude à mon égard... La suite du voyage a montré que
c'est une bonne solution qui avait été adoptée, la cohabitation
ayant été on ne peut plus facile.
lundi 6: Damas

La nuit a
été courte, l'hôtel quoique bien situé dans le centre-ville,
est voisin de la grande poste de Damas, et donne sur
l'impasse où se rendent les véhicules de service de la dite
Poste. Le petit déjeuner comme dans tous les hôtels par la
suite, est copieux avec oeufs durs, fromage, confiture et
pain local, beurre, thé et café.
Nous partons en direction du centre historique. Premier
incident dans le groupe, l'une des participantes glisse sur
une bordure de trottoir, et s'ouvre légèrement une arcade
sourcilière dans la chute. Immédiatement un commerçant, qui
a vu la scène, fait entrer notre collègue dans son magasin,
et propose son aide. C'est la première manifestation de la
prévenance syrienne, et ce ne sera pas la dernière.
L'affaire se termine dans une pharmacie, et nous arrivons
à l'entrée du souk Al-Hammadyyia, à côté de la
citadelle, qui est fermée au public. Notre guide, Mansour
commence à nous montrer aussi bien les khans
-caravansérails- que les échoppes susceptibles de nous
intéresser -le fameux glacier Bekdach aux glaces aux saveurs
étranges, par exemple-. Parmi les surprises, une devanture
du souk propose, dans la même vitrine un étalage de robes de
soirées aux décolletés généreux et une série de bustes
emmitouflés dans cette sorte de coiffe-foulard qui ne laisse
voir que l'ovale du visage.
A proximité de l'entrée des touristes de la mosquée des
Omeyades, nous sortons du souk en traversant les restes
assez imposants d'un temple romain du 3ème siècle, dédié
à Jupiter.

Nous nous dirigeons tranquillement vers le palais Azem, l'un
des lieux de calme au milieu des souks très animés.
Relativement récent -18ème siècle.- , ce palais est
représentatif de l'architecture damascénienne de l'époque
ottomane, avec son très bel ensemble de bâtiments et patios.
Le palais abrite un musée des Arts Populaires et des
Traditions.
En sortant du palais, Mansour, notre guide, nous fait faire
connaissance avec ce qui sera le plus souvent notre source
-très appréciée- de nourriture pour le repas de la
mi-journée: les fours; ce sont des boutiques où sont
préparés, et cuits au four, friands fourrés au fromage,
à la viande ou aux épinards, petites pizzas aux herbes
ou au fromage, et d'autres gourmandises salées aux prix très
modiques pour nos bourses. Nous allons ensuite nous
installer au
café An-Nafura,
café typique où l'on peut grignoter ce que l'on a apporté,
boire thé et café, et éventuellement fumer le narguilé;
ambiance locale garantie avec la proximité des souks et de
la mosquée des Omeyades.
Après un peu de temps libre passé à flâner dans les
souks, nous nous retrouvons devant l'entrée de la mosquée
destinée aux touristes. Nous pénétrons au milieu de restes
du temple de Jupiter, dont nous avions vu d'autres vestiges
le matin. En premier nous visitons le mausolée de Saladin
(Salah ad-Din) dont la première construction date de la fin
du 12ème S. mais ne présente pas un très grand intérêt
pour les non-musulmans.
Par contre la mosquée est remarquable, tant par ses 3
minarets et sa cour avec la mosaïque de la façade, la
fontaine des ablutions -voir photo-, et le dôme du trésor,
que par son architecture et sa décoration intérieure.

Le lien
entre les religions monothéistes, en particulier entre
christianisme et islam est ici évidente, puisque l'un des
minarets est dit minaret de Jésus, et un mausolée censé
contenir les restes de saint Jean-Baptiste occupe le centre
de l'intérieur, tout près du riche mirhab. Une autre
manifestation de ce lien se trouve à Seidnayya, une
trentaine de km au nord de Damas; une chapelle du couvent
grec orthodoxe renferme une icône représentant la Vierge
Marie, que viennent prier les femmes musulmanes pour avoir
un enfant. Les relations entre les différentes obédiences de
l'islam -sunnites, chiites, druzes...- et du
christianisme -plusieurs rites catholiques et plusieurs
rites orthodoxes- sont remarquables d'ouverture aux autres.
Probablement est-ce un peu moins vrai chez les chiites, mais
ce n'est qu'une impression , due entre autres à
l'impossibilité de rentrer dans une mosquée chiite très
connue du sud de Damas, Sayyida Zenab -cf. journée
suivante-.

En sortant de la mosquée notre guide nous fait
traverser le quartier chrétien, où nous visitons
successivement un atelier de marqueterie, où nous découvrons
les procédés semi-industriels de fabrication des revêtements
de marqueterie, et la chapelle Hanania, qui est de fait une
très ancienne crypte où des fresques content l'histoire de
Hanania, disciple du Christ.
Notre guide nous quitte pour la fin de l'après-midi; plus ou
moins ensemble nous revenons vers les souks par la rue
Droite, la Via Recta de l'époque gréco-romaine. Tout le long
de cette avenue et à proximité se trouvent de nombreux
centres d'intérêt, arc romain, maisons anciennes, khans...
La journée se termine par notre premier arak et notre
premier dîner syrien pris dans le parc très agréable d'un
restaurant non loin de l'hôtel, premier contact avec les
mezze et les grillades que nous retrouverons toujours avec
plaisir tout au long du voyage.
mardi 7:
Bosra, Chahba, Seydnaya

Réveil matinal par les véhicules des
services postaux. Il fait beau; il fera beau pendant tout le
voyage, seuls quelques nuages viendront un peu voiler le
ciel, pendant la 2ème semaine , en particulier à
Palmyre, le premier jour.
Aujourd'hui aura lieu notre unique incursion au sud de
Damas, à quelques dizaines de km de la Jordanie et
d'Israël. A propos d'Israël, apparemment, le bombardement de
l'avant-veille, sur les camps palestiniens non loin du
plateau du Golan, semble avoir affolé beaucoup plus nos amis
et familles en France, que les syriens. Toutefois, c'est
assez souvent, durant le voyage, que nous croiserons des
convois des forces syriennes, ou que nous longerons des
terrains militaires.

Après le petit-déjeuner, notre car nous
conduit directement à Bosra. La banlieue et le
sud de la capitale donne une grande impression de pauvreté,
que nous avons peu retrouvé à ce degré par la suite,
même si le facteur accoutumance a dû jouer un peu dans mes
appréciations. Il semble que dans cette partie se trouvaient
quantité de vergers et de jardins, comme on peut encore en
voir entre Damas et l'aéroport, mais l'urbanisation sauvage
de quartiers populaires, fait qu'il n'en reste pas
grand-chose.
Bosra était connue dès le le 2ème millénaire. av. JC; elle
aurait été, selon notre guide, un temps, au 1er S et avant
Petra en Jordanie, capitale des nabatéens, avant d'être une
importante ville de garnison romaine, puis une grande cité
byzantine.

Le Bosra
moderne, s'est construit sur et avec les restes de la
vieille cité, et nombre de familles vivent dans ces
vestiges. Les ruines sont vraiment imposantes. Elles
concernent toutes les périodes de l'histoire de Bosra. Au
fil des destructions/reconstructions, les matériaux ont été
réutilisés.
Le joyau est évidemment le théâtre antique du 2ème S. Il est
très impressionnant par son volume, et par son état de
conservation.
En quittant Bosra nous nous dirigeons vers Chahba; aux
environs de Suweida, notre guide nous fait visiter un lieu
de production d'arak, l'alcool anisé local équivalent de
l'ouzo grec. Devant les bâtiments, des dizaines de remorques
et leurs tracteurs, attendent pour livrer la récolte, des
raisins blancs aux grains énormes. Nous sommes conduits dans
un grand hall où sont installées les colonnes de
distillation, et la visite se termine par une dégustation de
ces très bons raisins. Voyager à cette époque nous
permet de goûter raisins, figues, melons, dattes, de boire
du jus de grenades fraîchement pressées, un régal.

A propos de l'arak et de la consommation
d'alcool en Syrie, on a pu observer une très grande
tolérance de la part des musulmans, dont certains figurent
probablement parmi les clients des boutiques d'alcool tenues
par les chrétiens, souvent des arméniens.
A Chahba nous allons acheter notre
repas de midi au four du lieu; une pâtisserie nous donne
l'occasion de faire connaissance avec les douceurs locales,
dont les délicieux petits gâteaux aux pistaches. Nous
mangeons sur le pouce, devant l'entrée du musée de
mosaïques, où nous voyons ensuite de de belles pièces du
4ème S.
Nous reprenons notre petit car pour remonter vers Damas, et
nous arrêter au passage pour visiter la mosquée chiite de
Sayyada Zenab, construite avec l'aide des iraniens.
Environnement et ambiance diffèrent complètement de ceux des
mosquées sunnites. Les mosquées chiites, comme celles de
l'Iran, sont beaucoup plus décorées, très colorées. Par
contre, les règles de visite sont très strictes, les
femmes doivent porter le tchador y compris pour rester
dans la cour, et aucun d'entre nous n'est autorisé à
pénétrer dans la mosquée proprement dite. A l'intérieur de
la mosquée se trouve le mausolée de Sayyada Zenab,
petite-fille du prophète Mahomet.

Nous nous
dirigeons enfin vers Sednaya où, dans un couvent catholique
syrien très moderne, nous allons trouver couvert et gîte. Le
lieu domine la ville de façon très agréable; c'est un centre
d'accueil pour séminaires et rencontres diverses.
Avant le repas nous sommes invités chez le propriétaire de
l'agence Sednaya qui s'occupe de tous les aspects proprement
matériels du voyage: réservations dans les hôtels et
transport. L'accueil familial est chaleureux. Un petit
incident, interne au groupe des participants,vient toutefois
ternir un peu ce moment agréable; un membre proteste
bruyamment contre le projet d'aller passer une prochaine
nuit chez des bédouins sédentarisés; finalement tout se
calme, mais ce ce n'est qu'un avant-goût de plusieurs
esclandres du même ordre, notre collègue ayant toujours
l'impression -à tort chaque fois- d'être lésé dans ses
droits, d'être pris pour un "blaireau" selon son expression
imagée.
Retour à notre lieu d'hébergement. Les chambres sont
très confortables, et le repas, pris sur place, très
copieux, comme toujours, et bon, pour un prix modique.
mercredi 8: Seydnaya,
Maaloula,
Krak des Chevaliers
Notre couvent-hôtel a été assez récemment
construit sur un site occupé depuis très longtemps par les
chrétiens. On peut voir, proches des nouveaux bâtiments une
église très ancienne, et des grottes aménagées, dans
lesquelles vécurent ces chrétiens.
A Seydnaya, visite du couvent grec orthodoxe de Notre-Dame,
plusieurs fois reconstruit depuis le 6ème ES. Une chapelle
contient une icône, représentant la vierge Marie, qui aurait
été peinte par Saint Luc. Cette icône "miraculeuse" est
vénérée non seulement par les chrétiens, mais aussi par les
femmes musulmanes qui désirent un enfant.

L'étape suivante nous conduit, plus au
N, dans les contreforts de l'Anti-Liban, à Maaloula ,
qui, beaucoup plus que Seydnaya, mérite un détour.
A Maaloula, et dans les environs, est encore parlé
l'araméen, survivant moderne de la langue qu'est censé avoir
utilisée Jésus.
Le ville, construite en gradins à l'assaut des
falaises qui l'enserrent, comporte un grand nombre de
maisons colorées très originalement en bleu. En cas de forte
chaleur, il est préférable de monter avec un véhicule
jusqu'au monastère de Saint Serge qui domine la ville, et de
redescendre ensuite à pied par des gorges. Ce
monastère contient une église, de Saint-Serge &
Saint-Bacchus dont certaines parties datent du 3ème S. Un
élément remarquable est un autel circulaire, soit d'origine
païenne, soit réalisé en imitation des autels de temples
préchrétiens, avec une rigole, à sa périphérie, devant
permettre l'écoulement du sang des sacrifices.
La redescente sur la ville, à pied, se fait par des
gorges impressionnantes, malheureusement "décorées" par de
nombreux graffitis, souvent en russe. Dans la ville, au pied
des falaises se trouve le couvent Ste Thécla, laquelle
aurait été une des premiers martyrs chrétiens.
Nous prenons notre repas de la mi-journée, dans l'unique et
agréable petit café-restaurant sur la place au pied de
l'escalier qui conduit au couvent.

De Maaloula, nous
redescendons en direction du Nord, vers la vallée de
l'Orontes, que nous abandonnons ensuite pour monter au Krak
des Chevaliers. Nous nous rendons directement à cette
forteresse du début du 11ème S. remarquable à la fois
par l'ensemble de sa structure avec une double ceinture de
murailles et de tours, et par son état de conservation.
Aussi bien les différentes salles, des chevaliers, des
soldats, que la chapelle et les écuries sont encore en
bon état, et les bains conservent de beaux vestiges.
Deux jeunes adolescents nous accompagnent, et au moment où
Mansour nous montre le lieu où les chevaliers de la Table
Ronde avaient leur table, les deux jeunes entonnent en
français la chanson à boire bien connue...

Dans la chapelle nous avons une bonne
surprise. Les deux jeunes ne sont pas avec nous sans motif;
notre guide les avait fait appeler pour un concert
improvisé. L'un des deux a une très belle voix, et nous
avons droit a un très bel appel à la prière musulman,
puis à des cantiques chrétiens chantés avec son
collègue.
Notre gîte du jour est un hôtel proche du château; toutes
nos chambres donnent sur lui et l'immense et beau paysage
qui l'entoure. Avant le repas, l'arak bu dans le hall de
l'hôtel, est l'occasion pour notre chauffeur Tony de montrer
ses talents de percussionniste et, par la même occasion, de
créer une ambiance festive; presque tous les soirs, ce sera
le même rituel, Tony sort son darbouka, commence à
jouer, à chanter, souvent avec notre guide Mansour,
les syriens présents viennent les rejoindre, ils chantent,
dansent, entraînant une partie de notre groupe.
Nous nous rendons dans un restaurant du village, pour le
repas du soir et quoique nous soyons en pays musulman -plus
exactement, en pays druze-, nous goûtons à notre
premier vin syrien. Le nom du restaurant fait
référence à la Table Ronde des Chevaliers du Krak.

A propos d'alcool, nous avons toujours pu
consommer de l'alcool dans les restaurants tenus par des
chrétiens, parfois dans des restaurants tenus par des
musulmans; nous avons bu tous les soirs de l'arak, soit dans
l'établissement où nous nous trouvions pour manger et/ou
pour dormir, soit dehors, dans la campagne.
La bière locale ou étrangère (Liban)
est disponible dans beaucoup de restaurants, y compris tenus
par des musulmans.
Nouvelle surprise, il y a un mariage dans le village et nous
sommes invités à nous rendre à la fête, au pied
des remparts du château. Au début seuls les hommes dansent,
mais peu à peu hommes et femmes, pour commencer très
nettement séparés, se mêlent; l'accueil de la population est
chaleureux, et plusieurs des femmes de notre groupe sont
invitées à prendre part aux danses.
L'hôtel est confortable, nous passons une très bonne nuit.
jeudi 9: Amrit,
Tartus, Ougarit, Lattaquié

La journée d'aujourd'hui va
être consacrée à la visite de sites de l'ancienne
Phénicie. Notre première halte est pour Amrit, qui semble
avoir été un centre religieux. Ne sont visibles que deux
meghazils du 6ème S. av JC et les restes d'un temple. Les
meghazils sont des tombeaux, dont la partie utile est une
salle enterrée, dans laquelle on peut encore voir les
loculli destinés à recevoir les morts; cette salle est
surmontée en surface d'une sorte de tour d'une dizaine de
mètres de haut, à la base de laquelle des lions ornent
les quatre coins.
A un km environ des tombeaux se trouvent des vestiges d'un
temple construit au milieu d'un grand bassin carré d'une
centaine de mètres de côté, probablement lié à la
présence de sources.
Non loin de ces ruines, on peu voir les traces des gradins
d'un stade antique.
D'Amrit, nous filons vers Tartus, l'un des 2 ports de mer de
la Syrie, avec Lattaquié. Nous nous promenons dans les
vieilles rues de la citadelle, et achetons dans un four et
chez un marchand de fruits ce qui sera notre repas de midi
que nous allons manger, en hauteur, sur la terrasse d'un
café, sous les murailles du Qal'aat al Marqab, forteresse
dominant la côte et construite avec des pierres volcaniques
noires.
Nous redescendons vers le bord de mer, au nord de Lattaquié,
où quelques membres du groupe se baignent, et comme à
plusieurs reprises durant ce voyage, nous buvons le thé que
nous a préparé notre chauffeur.

Comme souvent, notre
guide a choisi de nous faire visiter en fin d'après-midi le
site d'Ougarit, pour que nous puissions profiter d'un bel
éclairage, et que nous n'ayons pas à souffrir du
soleil du "deuxième été" encore très fort.
On sait qu'Ougarit était connue dans le monde antique au
moins dès le 3ème millénaire av JC. Seule une partie de la
surface, et dans cette partie seules les couches
supérieures, ont été fouillées. Des recherches en
profondeur, très localisées, ont trouvé des parties
remontant au 8ème millénaire. Ces restes dont les parties
visibles ont parfois plus de 4 millénaires sont
remarquables, tant la demeure royale que les temples, et
d'une façon générale, l'urbanisme de la cité.
Quoique notre guide Mansour soit lui-même un puits de
connaissances, nous avons la chance de rencontrer sur place
un archéologue français travaillant sur le
site. Ougarit est une mine d'or pour les chercheurs
qui, de temps en temps, font des découvertes majeures comme
la maison de l'individu nommé Rapanou; dans cette maison
quantité de tablettes comportant des textes utilisant les
écritures hiéroglyphiques (Egypte) et cunéiforme
(Mésopotamie) en même temps que l'alphabet d'Ougarit ont été
trouvées; cet alphabet d'Ougarit est donné comme le premier
alphabet connu, et les syriens le présentent comme
l'alphabet origine de tous les autres, ce qui, selon les
archéologues rencontrés, n'est pas du tout évident.

Il faut noter que nous sommes proches de la
mer que nous apercevons vers l'ouest. Toutefois, il nous
a été bien recommandé de ne pas chercher à aller
vers le bord, il y a là un terrain militaire interdit.
C'est vers Lattaquié que nous rejoignons la rive, pour un
apéritif et un dîner dans un petit restaurant, où les tables
sont installées sur le sable à deux pas de l'eau. Le
hasard veut que les archéologues rencontrés sur le site
d'Ougarit viennent également prendre leur repas ici, nous
les invitons avec nous, et comme j'ai la chance d'être assis
à côté d'eux, je peux bénéficier de leurs
connaissances.
Ce soir je fais l'expérience du narghileh, et j'avoue que
c'est fort agréable; je recommencerai lors d'autres soirées.
Contrairement à ce qu'on peut entendre parfois, le
contenu du fourneau du narguilé n'est que du tabac,
éventuellement parfumé, avec de la pomme par exemple.
Tony nous conduit à Lattaquié, à l'hôtel Al
Nour, correct sans plus, mais tout à fait dans
l'ambiance de notre voyage.
vendredi 10: Château
de
Saladin,
Slunfeh, Apamée, Hama

De nouveau, nous roulons
dans la montagne pour rejoindre le Qala'at Salahiddin que
les francophones connaissent sous le nom de château de
Saladin. Cette forteresse a été érigée dans un région de
moyenne montagne couverte de forêts. Une chose m'a frappé
depuis que nous sommes au nord de Damas, c'est la
végétation, qu'elle soit due à l'agriculture, ou
naturelle comme ici. L'appellation croissant fertile, qui
concerne entre autres les vallées de l'Orontes et de
l'Euphrate, est bien méritée.
Ce sont les byzantins, qui, au 10ème siècle entreprirent de
construire cette étape fortifiée entre Lattaquié et Alep. En
1188, Salah ad Din s'empara de la place après un bref siège
de 2 jours. Le site est très beau et l'accès d'abord par une
petite route dans la forêt, puis à pied par un chemin
dans les pins, est très agréable. Les bâtiments sont soit
récemment restaurés, soit en train de l'être.
Après avoir bu le thé dans une des salles, nous allons
rejoindre notre car pour nous rendre à Slunfeh pour le
repas de midi.
Slunfeh est un lieu de villégiature très recherché par les
nantis du pays, ainsi que de toute la péninsule arabique. Il
est vrai que la fraîcheur de l'altitude, et des forêts, en
font un lieu de refuge idéal pendant les très fortes
chaleurs de l'été; en cette mi-octobre, nous l'apprécions
également. La majeure partie du groupe choisit de prendre
son repas dans un des petits restaurants de la rue
principale. Repas désormais sans surprise avec ses mezzés et
ses grillades, mais toujours aussi bon et peu cher -pour
nous-.
Le programme de l'après-midi nous permet de parcourir
une belle route de montagne pour rejoindre la vallée de
l'Orontes, puis de traverser cette plaine, où nous
apercevons... un troupeau de buffles. Nous voyons également
de grandes plantations de coton dont c'est l'époque de la
récolte; nous croisons de nombreux petits camions
disparaissant presque sous les énormes sacs de la récolte.
Nous arrivons sur le site antique d'Apamée, un des moments
majeurs de ce voyage. Le soleil est déjà un peu bas,
la lumière est très belle, le Cardo, immense avenue de 2 km,
s'étend devant nous, bordée de centaines de colonnes,
parfois encore surmontées de fronton.
Une restauration importante nous permet de nous faire idée
de ce que pouvait être cette ville d'environ 500.000
habitants (esclaves inclus) à l'époque de sa
prospérité, et fondée au 3ème S. av JC. On dit que plusieurs
centaines d'éléphants de combat y étaient gardés, nourris
par les riches pâturages de la vallée de l'Orontes.
Des éléments originaux parsèment les restes de la cité,
comme des colonnes torsadées.
Le parcours du site est également l'occasion de voir un
scorpion de belle taille au milieu des ruines, ce sera le
seul animal venimeux que nous aurons eu l'occasion de
rencontrer.

Notre hôtel, Cairo, est
dans le centre de Hama, toujours dans le même style, simple
mais accueillant. Mansour nous propose un restaurant au bord
de la rivière. En arrivant, nous constatons que non
seulement nous mangeons au bord de l'eau, mais de plus ce
qui fait l'orgueil de Hama est là : quatre norias bien mises
en valeur, ainsi que l'aqueduc qui en part. Le
restaurant des "Quatre Norias" où
nous mangeons, propose une spécialité à base de poulet
et de riz, bonne mais un peu "étouffe-chrétien". Il est vrai
que depuis notre arrivée, tous les repas du soir ont été
copieux et notre appétit s'en ressent. Nous parcourons
à pied les 1500m qui nous séparent de l'hôtel.
samedi 11: Hama,
Art village bédouin
Ce matin nous avons quartier libre.
Naturellement, il y aurait des édifices et des musées
à visiter, mais je préfère profiter de cette liberté
pour flâner. Je commence par me rendre près des norias du
centre. Ces norias dont certaines atteignent au moins une
dizaine de mètres de haut, peuvent avoir plusieurs siècles
d'existence. la ville étant en partie à flanc des
collines qui bordent la rivière, elles permettaient grâce
à des aqueducs d'alimenter en eau les quartiers hauts.
Actuellement, les seules que j'ai vues en service, ou
susceptibles de l'être, semblent destinées à
l'arrosage des jardins non loin de l'eau.
La rivière faisant des méandres, il est souvent possible
d'observer plusieurs norias à la fois; elles sont
encore au nombre de 17 réparties sur toute la traversée de
la ville.
Je remonte le cours d'eau par sa rive gauche, ce qui me
conduit dans le bas de la vieille ville, où un groupe de
jeunes sortant d'un institut palestinien vient parler avec
moi; ils sont palestiniens eux-mêmes. Comme chaque fois, le
fait d'être français favorise nettement les contacts, même
si les jeunes rencontrés parlent mieux l'anglais, en
général, que le français.

Par les petites rues, je poursuis mon chemin
en suivant au plus près la rivière, c'est ainsi que je passe
à côté du palais Azem et de la mosquée An-Nouri. En
continuant au plus près de l'eau, je viens longer le pied de
la citadelle; dans le parc qui borde la rivière je croise un
petit troupeau de chèvres guidé par un adolescent qui en
même temps révise ses cours. Les chèvres présentent la
particularité d'avoir des oreilles très longues, un peu
comme celles des chiens cockers; plus tard au cours du
voyage, il m'arrivera d'en revoir ainsi que des brebis
présentant elles aussi ces mêmes très longues oreilles.

Prochaine étape, la noria Al Mohammediyya, qui date du 14ème
S. qui alimentait la Grande Mosquée, c'est la plus grande de
toute, et il est possible d'observer de très près le bel
assemblage de centaines de pièces de bois. De l'autre côté
de l'eau, je suis alerté par le bruit que font des ouvriers
qui sont en train de terminer une noria, de dimensions plus
modeste que sa voisine, mais dont le bois neuf ressort au
milieu de la verdure luxuriante de la rive. Il s'agit
probablement d'une restauration, l'aqueduc qui en part
semblant plutôt ancien.
Je remonte jusqu'à la grande mosquée dont j'espérais
voir l'intérieur, mais je ne parviens pas à entrer. je
passe ensuite par le quartier chrétien, où se succèdent les
boutiques vendant de l'alcool, impossible à trouver,
en principe, dans le reste de la ville. Mes pas me ramènent
vers le centre, d'où je remonte sur les souks; ces souks ne
sont pas particulièrement attrayants, mais comme toujours
l'animation est très vive. De là , comme il est midi je
reviens à l'hôtel où je retrouve quelques collègues
avec lesquels je vais acheter quelques bricoles pour le
repas. De fait, je n'achète que des fruits, de très beaux et
délicieux raisins, ressentant le besoin de limiter ma
nourriture, les repas du soirs étant toujours très/trop
copieux.
Après avoir mangé dans le hall de l'hôtel, il est temps de
repartir avec le car. C'est alors qu'un des membres du
groupe s'aperçoit qu'il a oublié un petit sac quelque part
dans sa promenade matinale; il repart en courant et nous le
rejoignons, avec le car en haut de la citadelle; le sac,
avec appareil et rouleaux de pellicules exposées entre
autres n'est pas retrouvé.

C'est ce soir que nous devons être hébergé
chez des bédouins sédentarisés, une cinquantaine de
kilomètres à l'est de Hama. Mansour doit nous
apprendre à faire le taboulé, et par ailleurs nous
devons apporter toutes les provisions pour le repas du soir
et le petit déjeuner, les ressources sur place étant plus
que limitées.
En cours de route nous nous arrêtons donc à Salamiyeh,
où, ici plus qu'ailleurs, on peut remarquer ces triporteurs
enjolivés et peints de mille couleurs; certains même ont une
sorte de carrosserie récupérée sur des voitures datant
visiblement de plus d'un demi-siècle. car en Syrie, il y a
apparemment une vraie passion pour les vieilles voitures,
particulièrement pour les grosses américaines des
années 50-60, les Buick, Chevrolet et autres Cadillac.
On a même pu apercevoir une "Traction-Avant 15-6" de Citroën
et quelques DS ou ID de la même marque.
Peu à peu nous nous
rapprochons d'Art, le village qui doit nous accueillir, et
déjà nous apercevons les constructions étranges des
"villages ruches". Dans les débuts de la sédentarisation des
bédouins, ces derniers construisaient sur des soubassements
de pierre, des suites de pièces en briques de terre, au toit
conique.

Dès l'arrivée dans le village, nous sommes
chaleureusement accueillis. Les bédouins sont musulmans
sunnites, le village ne fait pas exception, et les femmes,
la tête couverte, mais le visage découvert, sont un
peu en retrait. Nous logerons dans deux pièces recouvertes
de tapis et de coussins, et c'est dans l'une d'elles que
nous prendrons nos repas.
Nous nous promenons un peu à l'intérieur et à
l'extérieur du village, dont le nombre d'habitants est
difficile à estimer, mais les familles doivent être
une dizaine. Les anciennes maisons en terre ne paraissent
plus être utilisées pour le logement, et certaines sont en
ruines. dans la cour de la maison où nous logeons, poussent
de nombreuses fleurs qui pour la plupart sont très
gourmandes en eau. En général les immenses étendues
actuellement dépourvues de toute verdure, sont
consacrées à la culture de l'orge, mais comme partout
des forages ont été effectués, et on peut voir des
plantations irriguées de coton, d'aubergines, et de
tournesol.
Il ne serait pas bien vu que nous buvions des boissons
alcoolisées dans le village, et avec le car nous nous
éloignons dans les collines des environs, jusqu'à un
point de vue d'où nous pourrons profiter du coucher du
soleil. Une fois encore, Tony sort son darbouka, pour chants
et danses qui inévitablement attirent les conducteurs des
rares voitures qui passent sur la route toute proche. c'est
l'occasion de faire connaissance avec le chef de de la
famille chez qui nous logeons. Au sujet de l'accueil au
village des groupes comme le nôtre, notre guide mentionne,
que c'est chaque fois une famille différente, pour que
toutes puissent bénéficier un jour où l'autre de l'apport
que représentons les visiteurs.

Nous rentrons au village où il est
temps de préparer le repas, et plus particulièrement le
taboulé. Il est temps de dire ici que le taboulé que l'on
mange en France , à l'exception des restaurants
syriens et libanais, n'a rien à voir avec l'original
du proche-orient. Les proportions de persil et de semoule
sont totalement inversées, il faut même faire un effort pour
apercevoir les graines de semoule cachées sous une montagne
de persil, et d'un peu de menthe également. Ici la quantité
de persil prévue pour une vingtaine de personnes est
impressionnante, il nous faut couper menu le contenu de 4
grands sachets de supermarché. Peu à peu notre guide,
notre animatrice, quelques membres du groupe se
mettent tour à tour au travail, car il n'y a qu'un
couteau, et alors que je viens juste de commencer, une des
femmes de la famille d'accueil vient activer les choses en
terminant elle-même. Pendant ce temps, des fils de notre
hôte sont venus nous tenir compagnie. C'est enfin le moment
du repas où, naturellement nous faisons honneur au taboulé,
ainsi qu'à un plat de poulet et de légumes préparé par
les bédouins.
Les deux images ci-dessus illustrent bien la position de la
femme en pays musulman. Chez les chrétiens arabes, ne
serait-ce qu'au vu de vêtements n'ayant rien à
envier aux vêtements de leurs soeurs européennes, les femmes
semblent être soumises à moins de contraintes. C'est
en tout cas ce que nous avions pu constater, chez le
directeur de l'agence qui nous avait reçu à Sednaya,
en présence de sa femme et de sa fille, grande
adolescente; c'est également visible dans la rue.
La soirée se continue en buvant thé et café, et en discutant
à l'aide de Mansour avec nos hôtes.
Des matelas sont apportés dans les deux pièces où nous
allons dormir, ainsi que d'épaisses couvertures. Ayant prévu
une telle soirée, j'ai avec moi un "sac à viande",
dont ce sera la seule utilisation pendant le voyage.
dimanche 12: Art,
bédouins
cueilleurs
de pistache, villes mortes, Alep


La nuit a été sans problèmes et nous
avons bien supporté les épaisses couvertures, la température
extérieure ayant été relativement basse à cette
altitude d'environ 400 mètres. Après avoir mis de l'ordre
dans la pièce, nous prenons le petit déjeuner habituel, mais
évidemment assis directement sur les tapis.
Avant de reprendre la route, nous allons visiter l'école
primaire, dont un des fils de notre hôte est instituteur.
Quoique le contraire nous soit affirmé, il est évident que
tous les enfants du village ne vont pas à l'école,
alors que beaucoup d'autres du même âge sont présents. Autre
constatation, il n'y a environ qu' 1 fille sur 3 élèves, la
proportion diminuant avec l'âge; mais l'accueil est une fois
encore très sympathique.

En remontant vers le nord, en direction de la région des
"villes mortes", notre guide fait arrêter notre car au
milieu d'immenses plantations de pistachiers.
C'est l'occasion de voir des pistaches mûres, dans leur
surprenante coque rose, sur leurs arbres.
On nous explique que la cueillette se fait lorsqu'on peut
entendre le bruit que font les coquilles en s'ouvrant
naturellement.
Les bédouins que nous rencontrons viennent ici le temps de
la cueillette; ils nous reçoivent dans la construction
sommaire qui leur tient lieu d'habitation tant que dure ce
travail.
Thé et pistaches fraîches nous sont offerts. La jeune femme
qui est présente accepte très volontiers d'être
photographiée .

A propos des photos, nous n'avons jamais eu le moindre
problème; il est vrai qu'en ce qui me concerne j'ai toujours
demandé l'autorisation, et que je n'ai pas fait les photos
de femmes que j'aurais aimé prendre, n'ayant pas osé
demander de peur de les voir poser. Tout au plus , en ai-je
"volé" quelques unes de très loin, grâce à un zoom
assez puissant. La femme bédouine rencontrée dans cette
famille, semblait beaucoup plus libre d'allure que celles du
village où nous avions passé la nuit.

A propos du keffieh, la coiffure des
bédouins,, il est normalement rouge, mais noir pour indiquer
un deuil et blanc pour marquer une occasion qui sort de
l'ordinaire. La sorte d'épais lacet noir dont 2 tours
maintiennent le voile sur la tête est habituellement réservé
aux hommes d'un certain rang, comme les chefs de familles.
En quittant les bédouins, nous nous rendons à Ma'arat
an Nu'aman, pour y visiter le musée de mosaïques byzantines,
qui comme nous le fait remarquer notre guide, sont beaucoup
moins riches que les mosaïques de l'époque romaine vues
à Shabba. mais il y a de nombreuses et très grandes
pièces. Un aspect intéressant de la visite est que le musée
a été installé dans un khan, dont la minuscule mosquée est
un petit bijou; cette mosquée est normalement fermée mais
grâce à notre guide nous avons le privilège de pouvoir
rapidement y jeter un coup d'oeil.
Ma'arat an Nu'aman est un exemple de la sauvagerie avec
laquelle les croisés ont pu se conduire au 11ème S. Les
chroniqueurs chrétiens de l'époque rapportent, non seulement
le massacre de toute la population mais aussi des cas
d'assassinats d'enfants et de cannibalisme horribles.

Une fois n'est pas coutume, nous prenons notre
repas de midi dans un restoroute de l'axe Damas-Alep; rien
à voir avec nos restoroutes européens, le cadre est
agréable, le personnel, avenant, la nourriture bonne et les
prix très raisonnables.
La fin de l'après-midi
est consacrée à la visite de 2 de ces "villes mortes",
datant de l'époque byzantine, et abandonnées non détruites,
il y a 1500 ans; ces cités désertées sont nombreuses dans
les environs d'Alep. Nous nous attardons surtout à
Serjillia, dont les ruines remarquablement conservées
donnent une très riche idée de l'architecture et de
l'urbanisme dans cette région qui a l'époque était
l'arrière-pays d'Antioche -à une trentaine de km
à vol d'oiseau, mais en territoire turc-.

Je profite d'une petite demi-heure de temps libre pour
sortir du périmètre de la ville. Au milieu de friches se
trouve ce qui est probablement un tombeau; l'ensemble de
l'édifice, y compris le toit en dalles est dans un bon état
de conservation.
Nous passons ensuite à Al Bara où nous attardons
principalement autour de tombeaux pyramidaux qui contiennent
encore de beaux sarcophages.
La fin de la journée nous voit arriver
à Alep où nous allons passer 3 nuits dans le même
hôtel Boustan. Mansour nous propose de prendre notre repas
du soir dans le
restaurant
des Travailleurs, proche de l'hôtel. le cadre est
agréable, tout comme la nourriture, et les prix modiques.
lundi 13: Alep

J'ai eu une nuit un peu
agitée, la "tourista" qui a déjà frappé plusieurs
membres du groupe, sous une forme atténuée il est vrai,
semble vouloir m'inquiéter un peu; c'est l'occasion
d'essayer le remède local, du jus de grenade très concentré.
C'est assez écoeurant, mais se révèle efficace, au moins
jusqu'au lendemain. Dans le chapitre des problèmes de santé,
on peut noter que le soleil, encore très fort, et l'air très
sec, pourraient être à l'origine de fièvres et de
divers légers désagréments respiratoires.
L'hôtel est situé dans le centre-ville, proche du musée
national ainsi que du quartier arménien. Immédiatement après
le petit déjeuner, nous partons pour le musée pour y être
à l'ouverture, avant l'affluence. L'établissement est
essentiellement consacré aux civilisations pré-chrétiennes
de la Phénicie (la partie côtière de l'actuelle Syrie) et de
la vallée de l'Euphrate. Des statues monumentales très
anciennes sont conservées ici.

Du musée, nous remontons vers la citadelle.
Cette place forte domine nettement la ville; les premières
murailles dateraient du 4ème S av JC. les pillages et les
tremblements de terre ont laissé un intérieur dévasté;
toutefois on peut visiter une partie du palais royal dont la
salle du trône recèle un beau plafond ouvragé.
Après cette visite une partie des femmes du groupe va
profiter des services d'un hammam d'Alep, très réputé; nous
avons quartier-libre pour le reste de la journée. Alep est
une ville, très vivante et très riche culturellement, et je
me réjouis de pouvoir y flâner sans contrainte, même si je
dois dire et redire que les contraintes de ce groupe
sont minimales et presque totalement effacées par tout ce
que nous apporte notre guide,

Près du pied de la citadelle, il est possible
de descendre dans les souks, dont la partie la plus haute,
contenant tout ce que peut acheter un touriste, est un peu
moins conviviale que les autres, où l'on n'est pas soumis
aux sollicitations parfois pressantes des rabatteurs
d'acheteurs potentiels. Je parcours les différentes artères
de ce monde que sont les souks; au passage quelques jeunes
pouvant être étudiants m'attirent dans une boutique d'où,
après avoir essayé de discuter un peu, et mangé un morceau
de pizza syrienne avec eux, je redescends vers l'hôtel; mais
avant d'aller me reposer, je passe à l'office du
tourisme, en face du musée visité le matin, pour récupérer
cartes et plans, l'accueil y est sympathique.
Aujourd'hui, je ne mange pas à midi, pour essayer de
ne pas réveiller mes ennuis digestifs qui semblent s'être
calmés, et je me repose. Dans la deuxième partie de
l'après-midi je repars vers les souks pour essayer de voir
les différents khans ainsi que la grande mosquée. Cette fois
je pénètre par la partie basse, par la porte d'Antioche (Bab
Antakia). Une petite remarque à propos d'Antioche:
cette ville et sa région, turques, entre la Méditerranée et
le NO de la Syrie, figurent sur les cartes syriennes dans
une zone revendiquée par l'état syrien.

Le bas des souks consacrés aux denrées
alimentaires périssables, n'est peut-être pas le plus
intéressant, mais de là je me rends à la grande
mosquée dont le minaret est particulièrement incliné, suite
aux tremblements de terre. Je pénètre par l'entrée des
touristes. la cour est belle, mais malheureusement
l'intérieur est en cours de réfection et je repars un peu
frustré. En revenant vers la partie touristique des souks,
un syrien assez jeune m'aborde; on peut deviner qu'il a des
choses à vendre mais dans un français assez correct me
propose seulement de me montrer les khans, qui
malheureusement sont presque tous défigurés par leur
transformation en entrepôts. Mon guide me conduit
alors vers un bâtiment beaucoup plus impressionnant,
l'ancien asile psychiatrique d'Alep. Il est édifiant de
rapprocher ses commentaires, très détaillés, de ceux,
beaucoup plus officiels, que nous aurons le lendemain de
notre guide Mansour, non moins détaillés.
Il y avait différents types d'enfermement, cellules
fermées, aux murs munis d'anneaux, n'ouvrant que par une
fenêtre à barreaux sur une cour au toit ne laissant
passer que peu de lumière, cellules aux portes donnant sur
une autre cour un peu plus éclairée, et grande cour avec
cellules ouvertes dans la journée. Il y a aussi une autre
grande cour, avec un péristyle, et une petite scène où
étaient donnés des concerts.

Selon Mansour, les trois types de lieux
d'enfermement, qui incluaient dans leurs cours respectives
une pièce d'eau avec une fontaine, correspondaient aux 3
étapes d'un traitement où le dosage de la lumière, le
bruit de la fontaine puis la musique, étaient associés
à des préparations médicinales.
L'explication de mon guide du jour est beaucoup plus
brutale, mais assez vraisemblable, les cellules fermées
contenaient, enchaînés, les hommes dangereux. les cellules,
avec des portes ouvrant sur la cour pour des promenades
limitées, étaient pour les hommes moins dangereux; les
femmes étaient ensemble dans le grand espace aux cellules
ouvertes.
Mes deux informateurs sont d'accord sur la place de la
lumière, des fontaines et de la musique dans les
traitements, ainsi que sur le lieu où étaient donnés les
concerts.
Avant de partir mon guide me fait offrir une tasse de café,
minuscule en taille, mais au contenu très corsé. je laisse
l'inévitable bakchich; mon guide affiche alors son véritable
rôle, c'est un rabatteur vers les magasins à
touristes; malgré mon insistance sur ma volonté de ne rien
acheter, il veut me montrer des tapis et j'accepte d'entrer
dans une boutique; un, puis deux, puis trois hommes, parlant
de mieux en mieux le français se succèdent pour me montrer
des tapis de toutes qualités et de tous pays du Proche et du
Moyen Orient, pendant que je sirote mon énième thé de la
journée.
Certains tapis, dont un kurde, ma plaisent beaucoup et
mes interlocuteurs l'ont compris, mais ils finissent par
admettre que je ne prendrai rien ce soir, toutefois ils
espèrent que je repasserai le lendemain, et sans faire
attention je donne mon prénom. En sortant le jeune qui
m'avait accompagné jusqu'alors tient à me montrer son
magasin de bijoux, et je redescend enfin vers l'hôtel.
La plus jeune -de loin- de notre groupe propose d'aller
manger dans le restaurant Beit as-Sissi -recommandé par un
guide édité en françai-, dans le quartier arménien. le cadre
est assez agréable, ainsi que la nourriture, sans plus.
Avant de rentrer à l'hôtel, j'accompagne une partie du
groupe pour aller boire un grand verre de jus de grenades
pressées devant nous, au coin de la rue; c'est délicieux.
mardi 14: Alep,
Saint-Siméon

Après le petit-déjeuner, profitant de
quelques heures libres, je décide de visiter le quartier Al
Jdeida, qui est le quartier chrétien, où demeurent beaucoup
d'arméniens et de maronites et où ont été construites des
églises pour les différents cultes chrétiens. La cathédrale
maronite ne présente rien d'extraordinaire à mes yeux,
et arrivé pendant une messe, je repars assez rapidement. Je
m'attarde beaucoup plus longuement dans la cathédrale
arménienne -du 15ème S- où se déroule également un office.
Mais ici il y a tout un spectacle surprenant pour un
occidental. Ce sont les chants qui me retiennent, et plus
particulièrement, une soliste dotée d'une de ces voix
étranges de l'est de l'Europe. Je reste jusqu'à la
fin, ce qui me donne l'occasion de regarder de plus près des
peintures anciennes sur les murs. J'avais hésité à
pénétrer pendant que les prêtres officiaient, l'entrée se
faisant par devant, mais ici les gens circulent et parlent
sans trop se gêner.
En sortant, je parcours les rues et ruelles du quartier; la
population de Al Jdeida semble avoir un niveau de vie plus
élevé que la moyenne de la ville, et on peut noter que
beaucoup de maisons anciennes ont été restaurées ou sont en
train de l'être. L'écriture arménienne est présente dans
tout le quartier, en particulier sur les enseignes des
magasins: les lettres cyrilliques (forte présence soviétique
dans un passé récent) apparaissent également souvent. J'ai
remarqué en outre quelques étoiles de David sculptées sur
des linteaux de porte; l'une avait été en partie effacée.
Je finis par sortir du quartier, et me perds. Une femme,
à l'accent prononcé, peut-être slave, voyant que j'ai
déplié mon plan, me propose de m'aider, en français d'abord,
mais son anglais est meilleur. Mes ennuis digestifs semblent
avoir repris, j'aurais dû absorber de nouveau du jus de
grenade concentré, mais je ne l'ai pas fait. Pourtant j'ai
faim et je m'arrête dans une pâtisseries pour acheter de ces
délicieux petits gâteaux aux pistaches, je les consomme sur
place avec un thé et je rentre à l'hôtel.

Aujourd'hui,
mardi, est jour de fermeture des musées et des sites, mais
Mansour a obtenu que nous puissions nous rendre au
Qala'at Samaan, autrement dit le site des ruines de
l'ensemble qui avait été érigé au 5ème S en l'honneur de
Saint Siméon le Stylite. Des murailles et des tours en
firent, au 10ème S une forteresse, d'où l'appellation
qala'at.
Quatre basiliques forment une croix à l'intersection
de laquelle s'élève un moignon de la colonne sur laquelle
Saint Siméon se serait tenu pendant près de 40 ans, élevant
peu à peu le sommet jusqu'à atteindre 18m.
L'ensemble est très vaste et devait être fort impressionnant
au temps de sa splendeur.

Le soleil est déjà bas
lorsque nous partons pour essayer de trouver un petit coin
de montagne pour le coucher du soleil, et... l'arak. En ce
moment les récoltes du coton, des raisins et des pistaches
battent leur plein. Et à la nuit tombante, sur la
route proche, passent des camionnettes chargées d'ouvriers
et d'ouvrières. Des gamins qui accompagnent des troupeaux de
chèvres restent un moment à proximité de nous. Il est
vrai que le darbouka de Tony, notre chauffeur, et notre
groupe d'étrangers, ne peuvent qu'attirer l'attention,
attention toujours bienveillante.

Pour la soirée après le repas, Mansour nous a
préparé une petite surprise. Dans l'ancien asile
psychiatrique que j'avais visité la veille, dont je lui
avais parlé, il a fait venir quatre musiciens et chanteurs,
une petite troupe de danseurs folkloriques, et deux
derviches tourneurs. C'est une bonne compensation suite
à une petite déception que certains d'entre nous
avaient eue; car il y a dans le quartier des souks un
français, alsacien semble-t-il, qui possède une très belle
demeure, dans laquelle il organiserait des concerts; nous
étions quelques uns à le savoir, et nous aurions aimé
vérifier les informations; malheureusement l'homme était
d'absent d'Alep.
Nous regagnons notre hôtel pour notre troisième et dernière
nuit dans cette ville d'Alep où je serais volontiers resté
encore un peu.
mercredi 15: Sergiopolis,
lac
Assad,
Halabiyeh,
Deir
es Zor

Notre remontée vers le
nord-ouest maintenant terminée et nous allons rejoindre
l'Euphrate, plus à l'est pour le descendre.
Notre première arrêt est pour Ar
Rasafeh, appelée Sergiopolis par les chrétiens. Sergiopolis
était une importante cité, édifiée, au 5ème S dans une
steppe désertique, autour du lieu où était vénéré, comme en
beaucoup de lieux en Syrie, Saint Serge. Toutefois les
premières occupations de cet endroit semblent remonter
à l'époque des grandes civilisations mésopotamiennes.
Les murailles qui entourent le site sont encore debout pour
une grande part, mais à l'intérieur à
l'exception de 3 églises et de citernes, tout est à
dégager et à fouiller. Les citernes, indispensables
pour les réserves d'eau dans cette région quasi désertique,
sont très vastes. Les restes des églises sont encore
imposants, et dans ce style byzantin déjà rencontré
sur le site de Saint-Siméon.

Après un thé pris à l'extérieur, nous
partons vers l'Euphrate, mais au passage nous nous arrêtons
à Kapka pour acheter quelques provisions pour le
repas.
Depuis que nous sommes dans cette région, nous avons pu
remarquer de nombreux forages pétroliers.
C'est au bord du lac Assad, vaste retenue sur l'Euphrate que
nous nous arrêtons, près d'une petite plage desservie par un
café. Quelques membres du groupe se baignent. Malgré quelque
légers nuages, le temps continue à rester beau et
chaud; ces quelques heures au bord de l'eau sont appréciées.

Avec le car, nous nous
rendons au Qal'at Ja'bar, forteresse autrefois sur un
promontoire devenu une île par la mise en eau de la retenue.
De là, nous avons une belle vue sur une grande partie du lac
Assad. Ce lieu dont fait également partie, la plage de notre
repas de midi, est très recherché par les syriens, en
particulier le vendredi, jour de repos hebdomadaire en pays
musulman.
Nous retraversons l'Euphrate pour retrouver la rive droite,
et parcourir une région, où contrairement à l'ouest du
pays, on a parfois l'impression que rien n'a changé depuis
des millénaires. L'habitat semble très élémentaire; les
vêtements sont très particuliers et malheureusement une
photo que je croyais réussie de 3 générations de femmes n'a
rien donné; pas ou très peu de véhicules à moteur. Ces
derniers nous les voyons surtout dans les champs. Il y a un
contraste frappant entre la richesse des étendues cultivées
dans la plaine de l'Euphrate, et la pauvreté apparente des
habitants, et de leur habitat. Je ne me satisfais pas de la
réponse de notre guide qui questionné à ce sujet, me
répond que ces personnes sont heureuses dans ce mode
de vie, et qu'elles ne veulent pas en changer...
septembre 2012: une fois encore, la partialité de notre
guide envers la situation politique et économique a été
évidente, et ne peut qu'être rapprochée du reproche de
collusion d'une partie des chrétiens syriens avec Bachar
al Assad et sa répression sanguinaire.
Alors que le soir tombe, nous quittons le grand axe
Alep-Deir es Zor pour nous arrêter à Halabiyeh à
l'intérieur d'une imposante muraille; nous n'y restons pas
longtemps, car malgré l'heure tardive, et la quasi
impossibilité de visiter nous devrions prendre un ticket,
même en restant au bord de la route qui traverse la
citadelle. Nous sortons donc et allons nous installer un
moment au bord de l'Euphrate. Halabiyeh et Zalabiyeh,
la ville jumelle de l'autre côté du fleuve, sont 2 places
fortes du 3ème S. dûes à la reine Zénobie de Palmyre,
ville pourtant située à 200km, au sud-ouest, à
vol d'oiseau.

La fin du long voyage
vers Deir es-Zor se fait dans la nuit, et nous arrivons
à l'hôtel Ragdan. Notre guide nous propose un
restaurant au bord de l'Euphrate pour un repas de poisson,
en fait du poisson-chat, très gros, pêché dans le fleuve.
Peut-être à cause de mes malaises digestifs, je
n'apprécie pas beaucoup. Et puis se passe le seul incident
vraiment pénible du voyage. Le membre du groupe qui a
plusieurs reprises s'était signalé par des réactions peu
conviviales, prend rudement à partie les serveurs
à cause du manque de fraîcheur des bouteilles de vin.
Le reste du groupe est consterné. Nous rentrons à pied
à l'hôtel.
Nous bénéficions alors d'un petit supplément culturel
impromptu. Il y a dans l'hôtel un chanteur traditionnel
professionnel irakien venu examiner un élève syrien. Pour le
groupe, sur la demande de l'irremplaçable Mansour, ils
acceptent l'un après l'autre de nous donner un bel aperçu de
leurs talents.
jeudi 16: Deir
es Zor, Palmyre
Depuis hier je prends des médicaments, mes
collègues ayant terminé le concentré de jus de grenade.
Désormais, pratiquement tout le monde a été atteint.
Heureusement, une infirmière, membre du groupe, avait prévu
ce type de problème, non seulement pour elle, mais aussi
pour les autres.

Ce voyage comportait, en principe, une visite
aux sites de Doura Europos et Mari, 150 km plus au sud. Les
événements en Irak ont bouleversé cette partie du programme.
mais il semble que nous n'ayons pas énormément perdu, les
deux sites étant peu "lisibles" pour des visiteurs non
avertis.
Par contre, nous nous rendons au musée de Deir es-Zor qui
contient des pièces trouvées dans la basse vallée syrienne
de l'Euphrate, et surtout des reconstitutions d'habitations
telles qu'elles ont pu exister dans la région, à
l'époque des civilisations mésopotamiennes. Ce musée semble
être le seul élément culturel important de la ville.
Nous prenons la direction de Palmyre qui devrait être, et
qui sera, le moment le plus fort du voyage pour la plupart
d'entre nous. Nous traversons une steppe où ne pousse
pratiquement rien, et où on se demande où mènent ces pistes
que l'on voit se perdre au loin sans pour autant mener
à une agglomération visible.
A Palmyre nous descendons à
l'hôtel d'Orient . Je ne vais pas manger avec les autres. je
m'achète quelques bananes, susceptibles d'avoir moins
d'inconvénients que les mets habituels. Je reste ensuite
à l'hôtel, jusqu'à l'heure prévue pour une
première visite au site antique.
L'importance de l'étendue et la qualité des ruines d'Apamée
étaient déjà impressionnantes; ici non seulement on
cherche de nouveaux superlatifs, mais le cadre du site est
lui-même exceptionnel. La lumière de l'après-midi, qui
commence à baisser, dore les pierres et la montagne.
La forteresse Qala'at ibn Ma'an monte la garde au-dessus des
ruines, de même que les hautes tours-tombeaux de la vallée
des morts. De l'autre côté, jouxtant le temple de Baal, la
palmeraie s'étend, et lorsque de la forteresse nous pourrons
admirer tout Palmyre, j'aurai l'impression que la ville
moderne s'efface presque devant le site antique et la
palmeraie.

Tasmor, la Palmyre des temps anciens, remonte
probablement au néolithique; elle est mentionnée sur des
tablettes du début du 2ème millénaire av JC. Toutefois c'est
au début de l'ère chrétienne qu'elle va connaître ses heures
de gloire, en particulier avec la reine Zénobie.
Mansour nous montre toute la partie est du site, temple de
Nabô, théâtre, agora, bains et tétrapylon, mais réserve le
temple de Bel pour le lendemain. Nous sortons par le temple
de Baal-Shamin, et prenons le car pour monter jusqu'à
la forteresse. Nous ne sommes pas tout à fait seuls,
mais comme presque toujours depuis notre arrivée en Syrie,
il y a peu de touristes, et de plus Mansour s'ingénie
à nous faire éviter les heures d'affluence; ce soir
est une exception, car le coucher de soleil sur les ruines
depuis le Qala'at ibn Ma'an, est très réputé. Le ciel est un
peu nuageux, mais déjà le spectacle est grandiose.
Après notre habituel arak, nous redescendons en ville; je
décide alors de ne pas dîner. Il me semble que je vais
mieux, et je tiens à me lever de bonne heure le
lendemain pour un autre moment important d'un séjour à
Palmyre, le lever du soleil dans les ruines.
vendredi 17: Palmyre
Il est un peu plus de 6 heures lorsque Catie, notre
animatrice, et moi, partons vers le site situé à moins
de 10 minutes de marche. La température est plutôt fraîche,
un vent assez vif descend des montagnes. Seul, un couple est
déjà là ; au moment du lever du soleil, nous ne serons
pas plus d'une dizaine sur l'immense espace. Lentement , les
pierres exposées à l'est s'éclairent, mais un peu de
brume devant les montagnes retarde l'apparition du disque;
en attendant nous nous abritons du vent, tant bien que mal,
au pied des colonnes du magnifique tétrapylon. heureusement
contrairement à ce couple venu les bras nus, nous
avons des vêtements chauds.
Dès l'apparition des rayons, des couleurs changeantes
illuminent les pierres; le réchauffement est vite
perceptible; la scène est très belle et le décor en
constante évolution.
Après avoir parcouru un peu le site, nous rentrons à
l'hôtel, les yeux emplis de lumière.
Cet hôtel, à la fois en ville, et près du site,
dispose d'une salle de restaurant tout en haut de
l'immeuble, et nous prenons le petit-déjeuner face au site
qui s'étend à perte de vue.
Nous partons vers le temple de Bel pour y être dès
l'ouverture. Les murs et les constructions encore debout
forment une ensemble imposant. De très beaux décors,
sculptés, certains portant encore des couleurs, ornent une
partie des vestiges.
En escaladant un mur, je peux voir la palmeraie tout près de
l'enceinte du temple, un chemin s'enfonce en face de moi au
milieu des palmiers-dattiers, des grenadiers et des
oliviers. C'est probablement là , dans la palmeraie, que je
passerai une partie du temps libre que nous aurons dans la
journée.
La visite de la tour-tombeau de la
vallée des morts ouverte au public est très réglementée,
et nous nous y rendons en car pour la première admission
de la journée. La vallée est visible du site principal,
et on aurait pu s'y rendre à pied, s'il n'y avait
eu les contraintes d'horaires de visite. La plupart des
tours sont plutôt en mauvais état, mais celle que nous
visitons a été particulièrement bien restaurée. On peut
constater que même dans la mort la hiérarchie est
respectée, les restes des serviteurs étant placés
au-dessous de ceux des maîtres; une autre forme de
hiérarchie est observable, les maîtres ont leurs fils
à leurs côtés, mais les femmes sont aux pieds et
la taille relative qui leur est attribuée, dans les
sculptures, ne respecte pas les proportions habituelles.
Environ 80 dépouilles mortelles étaient enfermées dans
cette tour, dans des cavités individuelles, La tour a
été aménagée pour qu'on puisse monter au sommet, qui
n'est pas une terrasse, et où il faut faire attention
car il n'y a pas de garde-fou. Nous quittons la vallée
des morts au moment où les touristes commencent à
affluer, on est vendredi...

Le car dépose ceux qui le souhaitent près du
temple de Bel, non loin de la palmeraie. j'entre par le
chemin que j'avais aperçu depuis le mur du temple, bientôt
suivi par quelques autres membres du groupe. Nous avons
à peine fait quelques pas qu'un syrien veut nous
empêcher de continuer, de fait pour que nous allions dans
son verger. C'est un peu plus loin que nous acceptons
d'entrer dans un autre jardin, invité très sympathiquement
par un jeune paysan qui nous offre dattes et grenade. Sa
femme très jeune s'approche avec des enfants.
naturellement nous laissons un peu d'argent et repartons,
pour nous arrêter presque immédiatement pour observer l'un
des noeuds du système complexe de répartition de l'eau, qui
circule partout dans la palmeraie. Nous sommes maintenant
cinq à nous enfoncer plus profondément dans la
palmeraie. Partout les régimes de dattes pendent des
palmiers, les olives sont déjà belles, quoique
immangeables, et les grenades resplendissent. Les vergers
sont tous enfermés dans des murettes en plus ou moins bon
état.
De loin en loin, des carrefours et des bifurcations
contribuent à nous désorienter. Le soleil tape de plus
en plus fort, et nous finissons par revenir vers l'hôtel.
Des membres du groupe sont attablés dans un restaurant et
quoique ne souhaitant pas manger, je m'assoie avec eux pour
boire un café dans un ambiance fort sympathique.
A l'hôtel, je ne mange, une fois encore, que des bananes; ce
soir nous devons aller dans un restaurant tenu par des
bédouins; je préfère ne pas décourager le mieux qui semble
se manifester, et être en forme pour la soirée.
Après une sieste, je pars dans la ville. En ce jour de
repos, les rues sont calmes. En passant près du souk, pour
l'unique fois du voyage, j'éprouve un petit peu de méfiance;
ce sont 3 hommes, plutôt jeunes, qui cherchent d'abord
à parler avec moi et qui peu à peu m'éloignent
de la rue; l'un d'eux se prétend iranien, mais ne l'est plus
tout à fait lorsque je lui montre que je connais un
peu l'Iran, et les laisse là . Je parcours différentes rues;
à un moment on me propose une promenade à dos de
dromadaire, mais je m'éloigne, en revenant vers le quartier
de l'hôtel.

Je m'arrête chez un photographe pour acheter
une pellicule. Aprèslui avoir dit d'où je viens, il me
demande assez sèchement pourquoi je parle anglais si je suis
français; mais il se calme rapidement et m'offre un verre de
thé; il se lance alors dans un discours virulent très
anti-britannique et très anti-juif. Il ne faut pas oublier
qu'ici, l'Irak n'est pas très loin et que la menace
américaine est prise au sérieux.
De nouveau dans la rue, j'ai à peine le temps de faire
quelques pas, que je suis invité par un commerçant à
m'arrêter et boire un thé, je refuse, mais un peu plus loin
j'accepte la même offre d'un groupe d'hommes en train de
discuter assis sur une chaise sur le trottoir. Arrive un
syrien assez âgé présenté comme le père de celui qui m'a
invité; il se dit ancien combattant des forces françaises;
il m'offre une des grenades qu'il a apportées de son jardin.
je laisse quelques pièces européennes à l'enfant qui
est là et qui, dit-il, fait une collection de monnaie.
En échange je reçois des pièces datant, m'affirme-t-on, du
protectorat français en Syrie mais qui se révéleront avoir
une vingtaine d'années au plus; mais peu importe j'ai passé
un moment agréable.
Je rentre à l'hôtel tout proche, et peu après le
groupe repart pour un nouveau coucher de soleil sur la
colline de la forteresse. Nous y retrouvons les vendeurs de
tissus, cartes postales et autres souvenirs, déjà
rencontrés partout où nous sommes allés. Tout le monde
s'amuse à marchander un peu, et finalement presque
tous achètent quelque chose. Aujourd'hui le coucher de
soleil bénéficie d'un ciel dégagé et le spectacle est très
beau. Ce coucher de soleil me vaut aussi la photo-surprise
de ce marchand ambulant syrien qui, sans s'en rendre compte,
s'est planté devant mon objectif au moment où j'appuyais sur
le déclencheur.

Le repas du soir est prévu dans un restaurant
tenu par des bédouins. Sur la terrasse une tente a été
reconstituée, avec toiles et piquets, tapis, coussins et
tentures.. Quelques selles de dromadaires permettent de
soulager les reins de ceux qui ne peuvent pas s'appuyer
contre un mur, car nous mangeons au ras du sol. Après les
mezzés habituels, nous avons le plaisir de déguster un
mensaf, agneau rôti présenté avec du riz et divers
ingrédients très goûteux. L'agneau est découpé devant nous
-voir la photo ci-contre-.
Une fois encore, avec mes voisines de la soirée, nous
faisons venir un narghileh, que nous fumons tout en sirotant
café et thé. Un des jeunes vendeurs déjà rencontrés
dans la journée, vient nous rejoindre et arrive encore
à placer quelques grands foulards. Comme nombre
d'habitants de Palmyre, et comme certains kabyles que nous
connaissons en France, c'est un rouquin à la peau
claire qu'on ne peut que remarquer parmi les syriens
généralement plus bruns les uns que les autres.
Alors que nous avons payé, et que nous nous apprêtons
à sortir, quelqu'un se met à chanter, peut-être
Tony notre chauffeur, et de nouveau, avec les personnes
présentes dans le restaurant, chants et darbouka
accompagnent les danses. Mais c'est vendredi, le jour de
Dieu, et il n'est pas possible de continuer longtemps.
samedi 18: Palmyre,
Bagdad
Café,
Marmoussa, Damas
Début de journée à travers la steppe;
le désert est tout près; si les zones très arides couvrent
une grande partie du territoire syrien, le désert ne
concerne qu'une petite partie du sud-est, frontalière avec
l'Irak et la Jordanie. Parfois nous apercevons quelque
oasis. Il nous arrive de longer une voie ferrée. Mais
à part quelques rares tentes de bédouins, il n' y a
personne, ni dans la campagne, ni sur ce qui est appelé
autoroute, mais qui n'est qu'un axe routier avec un
revêtement en bon état reliant Damas à Bagdad.
La notion d'intersection d'autoroute est ici tout
à fait différente de ce que l'on connaît dans les pays
occidentaux: au croisement, qui se fait à niveau, est
installé un poste de police; pour obliger les voyageurs
à ralentir considérablement, des "gendarmes couchés"
très secs ont été installés dans chaque direction
à quelques dizaines de mètres du croisement, tout cela
en pleine steppe.
A propos de Bagdad, une surprise nous attend: Bagdad Café!
Comme dans le film, du même nom, qui se passe aux
Etats-Unis, au milieu de nulle part, il existe un
Bagdad-Café syrien, qui, de plus, prétend à
l'antériorité de l'appellation!
Il y a là une habitation de bédouins sédentarisés -un
peu dans le style des villages-ruches que nous avons vus
à l'est de Hama-, quelques tentes et l'actuel
Bagdad-Café, une construction en parpaings, d'intérieur
beaucoup plus agréable que l'extérieur. Sur le "parking",
deux 4x4 sont garés. En principe les grands cars ne doivent
pas s'arrêter, le nôtre -25 places- ne semble pas poser
problème.
Nous buvons un verre de thé, faisons quelques emplettes;
comment résister à la tentation d'acheter un T-shirt
estampillé "Bagdad-Café"? Arrive un syrien avec un
instrument bricolé à partir d'un bidon d'huile de
table de 5 litres, un morceau de branche d'arbre et 2
cordes; le surprenant c'est que le son est presque aussi bon
que celui de l'instrument qu'il veut imiter, et le joueur
semble vraiment doué. Inévitablement, notre chauffeur se met
de la partie et le groupe le suit, une des femmes de notre
groupe danse, d'ailleurs fort bien, pour notre plaisir et
celui des syriens présents.

Nous ne pouvons pas nous attarder trop
longtemps, car une petite montée à pied de 150 à
200m de dénivelé nous attend, sous un soleil vraiment chaud.
Après être passé à côté de très grandes mines de
phosphates à ciel ouvert, nous quittons la grande
route pour les contreforts des montagnes, nous longeons de
grands terrains militaires, et stoppons au-dessous du
couvent de Marmoussa.
Nettement au-dessus de nous, le couvent et ses annexes
semblent verrouiller l'entrée de gorges. Un chemin muletier,
avec de larges marches, comme ceux que l'on peut voir dans
les îles grecques, s'élève à flanc de montagne. Comme
prévu nous transpirons un peu en arrivant sur la terrasse
ombragée, où un thé nous est immédiatement servi.
août 2012: le supérieur
du couvent de Marmoussa a été expulsé de Syrie.
Le couvent de Marmoussa mérite notre attention à
plusieurs titres. Déjà , le chemin d'accès permet de jouir
de la beauté du site.

Le monastère fut fondé au 6ème S, à
l'époque byzantine, par un éthiopien; il fut
florissant jusqu'au 16ème S et abandonné au 19ème. Un prêtre
italien, l'actuel supérieur, séduit par le lieu, décida, il
y a une vingtaine d'années, de restaurer l'ensemble et de
fonder une communauté chrétienne inter-confessionnelle, où
de fait se retrouvent des membres des communautés
syriaques(romaines) et orthodoxes syrienne; toutefois les
ambitions oecuméniques vont bien au-delà de ces deux
communautés, et des liens solides existent en particulier
avec les communautés musulmanes. Le monastère et ses
occupants sont très insérés dans le milieu régional; nous
avons pu voir l'énergique supérieur en grande discussion
avec des autorités locales au sujet de l'aménagement de la
région.
Une autre particularité est l'hospitalité généreuse réservée
aux visiteurs qui veulent rester quelque temps, auxquels
n'est demandé qu'une participation aux petits travaux.
Enfin, les bâtiments contiennent de magnifiques fresques
dans l'église désormais restaurée.
Nous mangeons les provisions achetées à
Palmyre. Je vais faire un tour dans la montagne; les gorges
qui s'ouvrent derrière le couvent, sont une invitation
à la randonnée. Mais nous devons repartir pour la
dernière étape de notre voyage, le retour à Damas, où
il est prévu que nous visitions le musée national.

Notre visite est assez rapide, d'une
part parce que nous arrivons à peine un peu plus d'une
heure avant la fermeture, d'autre part parce que Mansour est
en proie à un mauvais rhume, et enfin et surtout parce
que le prince héritier espagnol est en visite à Damas,
avec sa fiancée et toute la section pré-chrétienne du musée
est fermée pour cause de préparation de la visite
princière...
Il est vrai que nous n'aurions pas vu beaucoup plus que ce
que nous avons vu, jusqu'à présent, un peu partout
dans le pays. A l'extérieur nous pouvons contempler la
lumière de fin d'après-midi sur le dôme et les minarets de
la mosquée Takyyia as-Suleyman.
Aujourd'hui -la fatigue du voyage dont la fin approche?-,
nous n'arrivons pas respecter les horaires que nous nous
sommes donnés, et nous arrivons trop tard en haut de la
colline d'où nous devions admirer le coucher de soleil sur
la chaîne de l'Anti-Liban. Néanmoins, nous buvons notre
dernier arak avec, au-dessous de nous, la ville de Damas qui
peu à peu prend son aspect nocturne, avec ses dizaines
de mosquée illuminées en vert, couleur de l'islam. Dernière
soirée avec notre chauffeur dont la gentillesse et
l'attention nous ont tous touchés; pour la dernière fois il
sort son darbouka, et se met à chanter.
Nous redescendons vers la ville et nous retrouvons
l'hôtel de notre arrivée. Pour notre repas du soir, nous
nous rendons à pied dans un restaurant à
quelques minutes de l'hôtel.
dimanche 19: Damas

Dernière journée, à Damas; journée libre
pour ceux qui ont envie de compléter leurs emplettes, ou de
parfaire leur connaissance de la ville. je me rends en
premier chez un disquaire recommandé par le guide
Lonely Planet; facile à localiser sur
l'avenue Sharia-Bur Said, sur la gauche, un peu avant sur la
place Saahat Youssef al-Azmeh; le disquaire est sympathique,
vous fait écouter mille disques, et vous propose des
"copies" pour 1/5 du prix des originaux. Outre que je n'aime
pas beaucoup le piratage, les copies que j'ai entendues
étaient enregistrées sur une seule plage, interdisant
l'écoute morceau par morceau.
J'avais pensé prendre quelques livres en français sur la
Syrie, dans la librairie Avicenne, dans le même quartier que
le disquaire, mais en retrait par rapport à l'avenue,
et en face d'un lycée, rue Tajhiz. Le choix est intéressant,
mais les livres, au moins ceux qui me plaisent, sont
importés et donc chers. Je trouverai aussi bien en France,
avec les inconvénients de l'encombrement et du poids en
moins.
Ayant fait le tour des souvenirs culturels, je me dirige
vers les souks. Les pistaches de Syrie sont vraiment bonnes,
et je m'en fais servir un kilo; au moment où je m'éloigne,
j'aperçois Catie, notre animatrice, et un couple du groupe
dans une boutique de l'autre côté de l'allée; en les
rejoignant, je vois qu'ici comme en Grèce on vend une sorte
de pâte d'abricot, en plaques très fines, que j'apprécie
beaucoup, et je me laisse tenter. Je quitte mes amis, et
revient vers la partie plus touristique des souks où se
trouve la boutique Tony&Stephan recommandée à la
fois par le guide Lonely Planet et par Mansour, notre
Cicérone; ce dernier nous a toutefois averti: la qualité est
très bonne mais les prix sont élevés et on ne marchande pas.
J'en ressors avec le portefeuille un peu plus léger et
content de mes achats. Je commence à avoir faim et je
vais acheter un shawerma. Mes emplettes commençant à
m'encombrer, je rentre à l'hôtel où je me repose un
peu.

Un peu plus tard, je décide d'aller
errer un peu dans la ville et je commence par le quartier de
la mosquée Takyyia as-Suleymaniyya; une ancienne madrassa
(école coranique) près de la mosquée a été réaménagée et
accueille des boutiques d'artisanat tout autour de la cour.
Au moment où je me déchausse pour entrer dans la mosquée un
homme assez jeune me dit, en français, qu'il regrette mais
que je n'ai pas le droit d'entrer. Il s'agit d'un algérien
venu étudier dans la madrassa actuelle. En Iran, j'avais
déjà été un peu désorienté par ces
autorisations/interdictions d'entrée qui varient d'une
mosquée à l'autre, et qui semblent dépendre du bon
vouloir des personnes se trouvant là au moment où vous
arrivez.
Je reste encore un grand moment dans la cour, très agréable,
puis après avoir acheté deux enveloppes de coussin dans une
des boutiques, je pars pour un quartier relativement
éloigné, où s'étend le souk Saroujah, ou plutôt où
s'étendait, car le quartier est en complète rénovation, et
du souk il ne reste que quelques boutiques et beaucoup de
maisons à moitié, ou entièrement démolies. Certaines
de ces maisons ont dû être très belles, si j'en juge par les
colonnes et les moucharabiehs encore visibles. Une nouvelle
fois en Syrie, dans ce

quartier très populaire, je parcours des
ruelles où je ne ressens aucune insécurité, où je ne croise
aucun regard hostile, où je vois des femmes pas plus
couvertes que dans une ville occidentale, côtoyant d'autres
entièrement dissimulées, y compris les yeux, derrière des
voiles noirs.
Je croise un jeune cireur de souliers qui veut cirer mes
chaussures en gortex, mais je le décourage, et puis il me
montre un homme dans une voiture, en me disant "police"; au
regard de l'homme qui a entendu, je pense que c'est
certainement vrai, mais il ne réagit pas davantage; l'enfant
s'en va, puis je me ravise, le rappelle et lui donne ce que
je lui aurais donné s'il avait pu faire son travail avec mes
chaussures.
Je repars vers la citadelle, et parcours un souk où je ne
m'étais pas encore rendu; souk très populaire avec toutes
sortes d'artisans. Je ne me lasse pas de parcourir les
multiples artères qui définissent ce monde laborieux, puis
j'ai envie de m'asseoir et je vais boire thé, puis café, sur
la terrasse du
café An-Nafura.
L'ambiance du lieu est vraiment agréable.
Avant de rentrer à l'hôtel, il me reste encore un
achat à faire; je ne veux pas repartir sans ces petits
gâteaux fourrés de pistaches. C'est sur la place des Martyrs
(Shoadah), à mi-chemin entre notre hôtel et la
citadelle, que sont installés, semble-t-il les meilleurs
pâtissiers de Damas pour ce genre de production.
Effectivement, tout est très appétissant, et je repars avec
deux grosses boîtes.
C'est notre dernière soirée, et nous buvons notre dernier
arak tous ensemble avec Mansour; nous en profitons pour
revenir sur nos deux semaines syriennes. Visiblement notre
animatrice et notre guide sont aussi satisfaits que la
majeure partie du groupe.

Notre dernier repas a lieu dans une
sorte de restaurant-cabaret, l'établissement Alezz situé
dans les souks. Le cadre est pittoresque, et il est dommage
que je ne comprenne pas l'arabe, visiblement tout le monde
s'amuse beaucoup d'un des artistes. Il y a même un derviche
tourneur, ce qui est encore plus surprenant qu'à Alep
étant donné le caractère, en principe, religieux de la danse
des derviches. La nourriture est délicieuse et abondante. En
face de nous sont installés deux jeunes couples syriens,
musulmans si l'on en juge par les vêtements des femmes; ils
ont un bébé avec eux; avec leur permission donnée
visiblement avec plaisir, je prends quelques photos, dont
des tirages sont maintenant là -bas. Malheureusement, nous
ne pouvons pas communiquer, sauf pendant quelques minutes,
grâce à Mansour pour que je puisse récupérer une
adresse où envoyer les photos. Dernier narguilé, dernier
café et c'est le retour à l'hôtel pour... 2 heures de
sommeil!
lundi 20: Damas-Lyon
Deux heures trente du matin, il est temps de
se réveiller! Le car nous attend pour le dernier voyage, et
Tony range nos bagages. A 3h30 nous sommes à
l'aéroport, pour un départ à 5h30.
Nous sommes en début de matinée à l'aéroport
d'Istanbul, où nous avons une longue attente pour la
correspondance. Le groupe s'est plus ou moins dispersé;
alors que je me suis installé seul à une table pour
boire un café, Catie notre animatrice, vient me rejoindre et
entame avec moi une longue discussion sur le séjour en
Syrie.
Comme prévu, nous sommes à Lyon peu après 15h; je
récupère ma voiture au parking de l'aéroport et je rentre
à Bourdeaux.